Par Maitres Lusiana Windu et Kiara Jinn
II Des femmes proches de nous
Elles sont belles, intelligentes, courageuses, vivent des aventures extraordinaires. Mais elles sont aussi des femmes qui doivent vivre au quotidien. Certes, le leur n’a rien à voir avec le nôtre. Mais si on y regarde de plus près, leur univers n’est pas si éloigné que le nôtre. Elles aussi ont des problèmes de toutes sortes. Sous la plume de leurs auteurs, elles doivent faire face à des problèmes que nous connaissons ou connaîtrons toutes. Cette galaxie lointaine où elles évoluent leur fait subir également tous les affres de la vie au quotidien.
Dans nos sociétés occidentales, la femme est avant tout mère et femme ou plutôt épouse. Les clichés socioculturels en font une personne qui met en avant sa famille, comme le fera Beru Lars en accueillant le petit Luke recherché par l’Empire. Elle est l’abnégation et le don de soi de Shmi Skywalker qui restera en arrière, dans l’ombre de son fils qui réalisera son rêve avant de devenir un sinistre agent du mal. La femme vue par George Lucas n’échappe pas à cette règle. Elle s’intègre dans cette vision de ce stéréotype de base qu’est la société occidentale et américaine des années de jeunesse du réalisateur.
Tout au long de la saga, on s’aperçoit qu’elles n’échappent pas aux petits tracas quotidiens. Leia doit sans cesse ménager la chèvre et le chou, ne pas trop délaisser son foyer pour ses devoirs de femme politique et de chef d’Etat. Lorsque Hethrir enlève ses enfants dans L’Etoile de Cristal de Vonda McIntyre, elle réagit en mère. Tout ce qui lui importe c’est de sauver ses enfants. Son avantage sur nous, humbles mortelles terriennes, c’est qu’elle est chef d’état et Jedi, que son frère est tout de même le héros de toute la saga post Endor, et qu’elle a à sa disposition des moyens considérables pour les retrouver. De plus, ses enfants, même s’ils sont très jeunes sont aussi des petits futés. Evidement, son principal avantage est d’être issue de l’imagination d’un écrivain, qu’elle est l’héroïne incontournable de la saga, et donc que son auteur peut lui faire traverser toutes les épreuves, on sait d’avance que tout se terminera bien. Il n’en reste pas moins que Vonda McIntyre, dans cette aventure lui fait vivre de réelles émotions. Ce sont des émotions, des sentiments forts, qu’elle est allée chercher dans son expérience de femme bien ancrée dans la vie réelle. Il s’agit juste d’une transposition dans un monde imaginaire. Il en va de même avec toutes les autres. La souffrance de Callista qui en revenant à la vie corporelle perd sa sensibilité dans la Force, la souffrance de Mara qui se cherche après avoir tant cru en Palpatine, et qui retrouve les voies de la Force aux cotés de celui qui deviendra son mari, ses inquiétudes pour son bébé encore en gestation alors qu’elle est gravement malade, toutes ses émotions sont très intenses. Et si elles nous touchent tellement c’est que les auteurs ont su exprimer et transposer des douleurs bien réelles. Quelque part, ce sont les nôtres, celles de personnes que nous connaissons, celles de femmes que nous pouvons lire ou entendre dans d’autres romans ou dans les médias. Les problèmes de couple que Leia doit affronter après la mort de Chewbacca, beaucoup de femmes les vivent. La perte d’un être cher est très souvent la source de déchirures, d’incompréhension et de rupture de communication entre des êtres qui s’aiment.
Shmi Skywalker et Beru Lars sont aussi attachantes que les héroïnes charismatique que peuvent être Padmé, Leia ou Mara. A leur manière, elles humanisent l’univers de Starwars, le rendent plus proche de nous. Comme on le sait, Shmi est la mère de Anakin Skywalker, mais elle est surtout la porte-parole de ces femmes qui doivent travailler pour survivre. Elle est esclave et appartient à Wattoo. On pourrait parler longuement de l’esclavage, sujet ô combien grave et important. Mais ce n’est pas tant le problème de l’esclavage qui est mis en avant que celui de ces femmes ordinaires, presque anonymes, qui sont en fait la majorité dans la galaxie, quel que soit le système. Beru Lars la rejoint en ce sens. Elles nous apparaissent soucieuses du bien être de leur foyer. Elles nous apparaissent surtout comme des femmes laborieuses, s’accommodant avec dignité de leur destin « ordinaire » pendant que d’autres s’en vont guerroyer dans quelques croisades nobles et dangereuses.
Shmi Skywalker passera outre sa vie de femme pour privilégier sa vie de mère. On est là dans le cliché typique de la femme au foyer qui n’a de cesse que de s’occuper du bien-être de ceux qu’elle aime, en l’occurrence ici son fils. Cette femme représente aussi les valeurs d’une société chrétienne puritaine. La femme ayant une vie irréprochable, œuvrant pour le bien de sa famille, avec un don de soi frisant le sacrifice. Quant à Beru Lars, elle est l’archétype de la femme laborieuse, issue des classes sociales basses ou moyennes, à des années lumière de la politique et de ses subtilités mesquines. Pour ses deux femmes, servir de grandes causes commence par se dévouer à la vie du foyer en faisant leur part de travail. Shmi nous apparaît d’abord comme une esclave, se résignant à sa condition avec dignité, et même honneur. Elle n’a pas honte de ce qu’elle est. Elle accepte son sort. Son bonheur réside dans l’espoir que son petit garçon pourra un jour être libre et heureux, même s’il faut pour cela qu’elle accepte de le voir partir en ne sachant quand elle pourra le revoir. Elle subit le déchirement de la séparation d’avec son enfant de 9 ans et elle reste stoïque afin que son fils ait la force de suivre sa route. Même si elle souffre, elle sait que c’est pour le bonheur de voir son enfant réaliser son rêve.
Beru pourrait être comparée à nos jeunes filles paysannes, éduquée dans le labeur, n’ayant pour tout ambition que d’être une épouse dévouée. On voit dans ses traits marqués par le travail et le climat toute la noblesse de ses femmes qui travaillent comme des petites fourmis au bien de leur communauté. Nobles dans leur cœur, ces femmes ne vivent peut-être pas d’aventures exaltantes, parcourant la galaxie, sans cesse sur le qui-vive, mais elles sont toutes aussi indispensables à la société que les autres. Elles acceptent leur destin, elles s’acceptent elles-mêmes, telles qu’elles sont, avec humilité et dignité. Leurs sentiments et leurs actes n’en sont pas moins important. A leur manière, restant dans l’ombre, elles font en sorte que celles que nous appelons les héroïnes puissent sauver la galaxie.
Ainsi, Winter, l’amie d’enfance de Leia sacrifiera sa vie de femme au service de la famille Organa, puis en s’engageant dans la Rébellion, enfin en élevant les petits Solo dans leurs premières années. Si on la connaît mal, c’est justement parce qu’elle ne se mit jamais en avant, et aussi parce que les devoirs qu’elles remplit nécessitaient qu’elle agisse dans le secret et dans l’ombre.
C’est aussi dans leurs émotions, dans les sentiments qui les animent que ces femmes nous ressemblent. Nous sommes toutes quelque part un peu fleur bleue. Nous vivons toutes des histoires d’amours plus ou moins contrariées. Nous vivons toutes à un moment donné de notre existence des chagrins d’amour qui nous blessent. Et à l’instar des grandes héroïnes des écrivains classiques, les femmes de Starwars exaltent des émotions que nous éprouvons toutes, mais que nous taisons, ou que nous étouffons sous des prétextes quelconques en grande partie dictés par nos codes sociaux ou familiaux. Mais il n’empêche que dans nos cœurs de jeunes filles et de femmes nous éprouvons les mêmes choses.
Quelle jeune fille n’a jamais rêvé de trouver son prince charmant, et de vivre une vie bien remplie, conciliant tout à la fois, une vie d’épouse épanouie, une vie de mère comblée par la réussite de ses enfants, et une carrière professionnelle exemplaire ? Les femmes d’aujourd’hui en sont toutes là. Et les femmes de Starwars sont comme les femmes d’aujourd’hui. Elles rêvent du grand amour, souvent impossible comme Padmé qui fait fie de tous les interdits pour épouser l’amour de sa vie. Elles rêvent, telles Leia, d’un univers d’harmonie et de paix tout en vivant au sein d’une famille unie qui sait aussi laisser au vestiaire sabre laser et blaster pour se retrouver autour d’un bon repas. Les aspirations de ces héroïnes ne sont pas différentes des nôtres. Elles s’expriment seulement d’une manière plus intense du fait de leurs aventures et de l’univers où leurs auteurs les font vivre.
Lorsque Leia et han se rencontrent, on ne peut pas dire que cela se présente sous les meilleurs hospices. Sous le feu nourri des soldats impériaux, Leia rage de voir que ses trois sauveteurs n’ont pas prévu de plan pour quitter un endroit qui ne manquerait pas de grouiller d’ennemi à l’instant où ils la libéreraient. « Epatante cette fille ! Ou je la démolis, ou je tombe amoureux ! c’est tout l’un ou tout l’autre ! » Criera Han à son ami juste avant de plonger tête la première dans le broyeur à ordure de l’Etoile Noire. Et ce n’est que lorsque Han sera enclavé dans la carbonite sur Bespin que Leia se rendra comte de ses sentiments pour lui. Sa mère, elle aussi, ne se résoudra à regarder en face ses sentiments pour Anakin, que lorsque la mort rodera autour d’eux. Elles ne sont pas les seules. Callista et Mara, pour le même homme, mais à des époques différente de sa vie, se rendront compte de la profondeurs de leurs sentiment à la dernière seconde. La première ne pourra se résoudre à mourir tout à fait, et échangera son esprit avec celui de Cray Mingla (Les Enfants du Jedi ; Barbara Hambly), et la seconde acceptera enfin de vivre son amour pour Luke lorsqu’elle comprendra ce qui lui manque dans la Force pour être complètement en phase avec elle-même. Callista ne se retrouvera jamais au fil de sa quête d’elle-même. En échangeant son esprit avant l’explosion de la station de combat, elle perd une partie d’elle-même, elle perd ses sensations dans la Force. Elle ne perd pas tout de sa personnalité. Elle garde ses qualités, la générosité, l’abnégation, la sagesse, ces qualités qui alliées à ses dons dans la Force ont fait qu’elle a pu devenir Jedi. Mais en perdant ses sensations, elle perd les moyens qu’elle avait d’être complètement elle-même, un être entier, unique. Sa quête est à l’image de celle de bien des personnes qui subissent des traumatismes graves. Perdre ses sensations dans la Force revient pour certaines femmes ce qu’elles peuvent ressentent comme une mutilation, suite à un accident brutal ou une maladie. Lorsqu’on vous enlève une partie de vous même, lorsque vous ne pouvez plus, à votre corps défendant être la personne que vous étiez, vous devez traverser une longue période de doute et de recherche pour retrouver l’équilibre, pour se reconstruire et redevenir un être entièrement.
A l’image de Callista, Bria Tharen, la jeune corellienne dont Han Solo tombera amoureux quelques années avant de rencontrer Leia, traversera après sa libération de la secte d’Ylesia (Le Coup du Paradis ; A.C. Crispin) une période où elle devra trouver un but, et surtout savoir qui elle est vraiment. Grâce à l’amour du contrebandier, elle réussira une première étape dans sa reconstruction. Tout comme dans notre vie de simples terriens, la famille, l’entourage affectif, permet aux héros et héroïnes de se dépasser, de trouver la force d’aller jusqu’au bout de leurs actes et de leurs combats. La drogue, les sectes pseudo religieuses et tous les désastres qui en découlent sont des sujets graves évoqués à travers les aventures de cette jeune femme au bord de la destruction. Ils sont évoqués dans quantité de livres témoignages, dans quantité de roman de la littérature contemporaine. Il est aussi souvent évoqué dans la littérature de science fiction, mais d’une manière presque cataclysmique. Dans Starwars, on voit un aspect différent. On voit la réalité d’une femme ordinaire qui tombe dans le piège, une jeune femme comme nous en croisons tous les jours dans la rue. On voit la dépendance, la déchéance physique et mentale. On voit aussi et surtout l’espoir qu’amène un jeune homme qui pour la première fois de sa vie se sent concerné par les problèmes de quelqu’un d’autre. à travers Bria, c’est l’espoir d’une vie meilleure qui nous est montré. Et même si c’est difficile, long et douloureux, Bria réussira sa vie.
Elles sont fortes, elles sont belles, elles sont courageuses. Mais leur véritable grandeur se trouve en faite dans leurs doutes et leurs douleurs de femmes, et non plus d’héroïnes.